Prise en charge de la dyspnée en phase palliative avancée
La dyspnée vient en 4ème position chez les patients cancéreux en phase avancée ou terminale, après la perte de poids, l’anorexie et la douleur. 70 % des malades souffrent de dyspnée dans les 6 dernières semaines de leur vie, quelle que soit l’origine du cancer. La dyspnée est un facteur prédictif de réduction de la survie.
- Utiliser une échelle visuelle analogique (EVA) ou numérique (EN), dont l’utilisation sera répétée pour évaluer l’évolution et adapter le traitement.
- Observation clinique: fréquence respiratoire, cyanose, tirage, wheezing, toux, expectoration, auscultation pulmonaire et cardiaque, recherche de signes de retentissement cardiaque droit.
- Examens complémentaires : radiographie thoracique, scanner thoracique, mesure de la SaO2, autres (selon le contexte).
- Retentissement sur l’autonomie, la communication, l’humeur, le vécu du patient.
- Evaluation parallèle de l’anxiété (et autres symptomes : douleur, sueurs, insomnie, agitation…)
- Pas de relation entre la dyspnée et l’hypoxémie (dissociation entre les sensations subjectives et les chiffres objectifs)
I. Traitement étiologique
A discuter, après évaluation de sa faisabilité, des bénéfices escomptés et de ses effets secondaires potentiels, l’objectif étant l’amélioration de la qualité de vie.
Peuvent ainsi se poser l’indication de : la réalisation d’une trachéotomie en cas de cancer ORL, d’une désobstruction trachéo-bronchique par laser, de la mise en place d’un stent endo-bronchique, d’un talcage pleural ou de la pose d’un drain pleural (pleur-x) ou d’un drainage péricardique…
II. Traitements symptomatiques médicamenteux
Les opioïdes = base du traitement symptomatique
Les morphiniques entraînent une diminution de la perception de la dyspnée, par une action sur les centres respiratoires. La fréquence respiratoire est diminuée.
La marge thérapeutique est plus étroite que pour le traitement de la douleur.
Préférer un traitement intermittent (toutes les 4 à 6 heures), réévaluer l’efficacité.
- Prescription chez un patient naïf de morphine
- Morphine orale
Débuter à 50 % de la posologie initiale antalgique, Soit 2,5 à 5 mg/4 h per os chez l’adulte, à adapter à l’effet obtenu et à la tolérance. Prévoir des suppléments (1/6 à 1/10 de la dose des 24 heures) à la demande, en réadaptant ensuite la dose de fond des 24 heures.
- Morphine sous-cutanée ou intraveineuse (si dyspnée sévère et/ou angoissante) 1 à 2 mg toutes les 5-10 minutes, jusqu’à diminution de la fréquence respiratoire entre 12 et 25/mn ou soulagement du patient, puis prescrire un traitement continu (IVSE ou PCA) avec une dose égale à la moitié de la dose que l’on utiliserait à visée antalgique.
Exemple : Morphine IVSE : 0,5 mg/h
- Réévaluation régulière. (Soulagement, fréquence respiratoire) - Prescription chez un patient sous morphine : augmenter la dose quotidienne de 25 à 30 %
III. En cas de symptômes associés
Les broncho-dilatateurs :
si bronchospasme
Aérosols comportant :
Un broncho-dilatateur :
- Ventoline®, solution pour inhalation par nébuliseur, unidose de 2,5 ou 5 mg/2,5 ml
- Ou Bricanyl® solution pour inhalation par nébuliseur, unidose de 5 mg/2 ml
- +/- un anticholinergique : Atrovent®, solution pour inhalation par nébuliseur, unidose de 0,5 mg/2 ml
Une dose de chaque, en nébulisation de 15 minutes, 3 à 6 fois par 24 heures.
Les corticostéroïdes
Indications
Exacerbations de BPCO, pneumopathies radiques ou chimio-induites, lymphangite carcinomateuse, syndrome de compression veineuse cave supérieure
Prescription
- Dose initiale (d’attaque): 2 à 4 mg/kg/j de méthylprednisolone en 1 seule injection IV quotidienne matinale
- Puis diminution rapide de la dose jusqu’à la dose minimale efficace (Prednisone ou Prednisolone : 0,5 à 1 mg/kg/j, per os)
- Traitement interrompu en l’absence de bénéfice
- Surveillance des effets secondaires (candidose orale, amyotrophie, hyperglycémie, troubles psychiques, …)
Les psychotropes
- Les benzodiazépines sont réservées aux patients chez qui :
- Persiste une importante anxiété malgré le traitement de la dyspnée,
- Ou quand la dyspnée est la manifestation somatique d’un trouble panique. - Benzodiazépine :
- Per os si la voie orale est possible, de demi-vie courte (Lorazepam, Alprazolam) ;
- Sinon IV avec Midazolam à dose anxiolytique : 0,2 à 0,5 mg/h IVSE
IV. Quand la dyspnée est associée à un encombrement bronchique
Limiter l’hydratation, arrêter la nutrition parentérale
- Eviter les aspirations nasotrachéales, traumatisantes.
- Discuter une éventuelle fibro-aspiration (mais pas en phase agonique)
- Si le patient encombré est trop épuisé pour participer à une kinésithérapie, on introduira un anticholinergique
Scopolamine
- Par voie sous-cutanée (IV possible, hors AMM) (ampoules injectables de 0,5 mg/2 ml)
- En continu, ou toutes les 4 à 8 heures
- Dose de départ (adulte) : 0,75 à 1,50 mg/24 h, (soit 0,25 à 0,50 mg/8 h)
- Par voie transdermique : Scopoderm TTS® 1 mg/72 h; 1 à 4 dispositifs/72 h - Effets secondaires : sécheresse des muqueuses, rétention d’urines (rechercher un globe vésical), constipation, troubles de l’accommodation, tachycardie, agitation, hallucinations, confusion fréquente chez les personnes âgées.
- Scoburen (butylbromure de scopolamine) :
mieux toléré car pas d’effet central : (ampoules de 20 mg) SC ou IV : 60 à 120 mg/24h.
V. Présence d'une toux
Si possible, traitement étiologique
Par exemple : désobstruction tumorale, antibiothérapie, ponction évacuatrice d’un épanchement pleural …
- Toux productive
- Kinésithérapie si coopération encore possible
- Nébulisation de sérum physiologique: action hydratante et fluidifiante (préférable aux mucolytiques), à arrêter en phase évoluée, au profit des anticholinergiques®.
- Aérosols de bronchodilatateurs
- Aérosols de corticoïde, s’il existe une composante inflammatoire (Pulmicort: unidose de 0,5 à 1 mg/2ml) ne se mélange pas au Bricanyl et à l’Atrovent - Toux non productive
- Humidification de l’air inspiré
- Antitussifs- Codéine 15 à 25 mg toutes les 4 heures
- Morphine 2,5 à 5 mg toutes les 4 heures
- En cas de toux à la déglutition :
- Si maintien d’une alimentation par voie orale : mixée, moulinée, eaux gélifiées
- Si alimentation contre-indiquée, discuter selon le cas (en dehors de la phase terminale) : une gastrostomie d'alimentation, une prothèse endoœsophagienne, une prothèse endotrachéale ou bronchique.
VI. Si trouble panique sévère, dyspnée asphyxiante et/ou dyspnée réfractaire à tout traitement
Réaliser une sédation, avec risque du double effet.
- Par voie IV :
- 1 mg d’Hypnovel toutes les 2 à 3 minutes : diluer 5 mg de Midazolam dans 5 ml de sérum physiologique (concentration de 1 mg/ml). Injecter cette solution ml par ml jusqu’à sédation (score de Richmond à -4/-5*), ce qui détermine la dose d’induction. Puis, s’il est décidé de maintenir la sédation, prescrire une dose horaire égale à 50 % de la dose d’induction. - Par voie SC :
- Dose initiale de 2,5 à 5 mg d’hypnovel, à répéter si besoin selon l’effet, puis, soit renouveler des injections discontinues, soit entretenir la sédation de manière continue, au pousse seringue, avec une dose horaire égale à 50 % de la dose utile à l’induction. - Cas particulier de la dyspnée asphyxiante : bolus IVD de 5 mg d’hypnovel + bolus de morphine 5mg. Puis réévaluer et adapter la dose de fond.
* Echelle de Richmond
VII. SI PERSISTANCE DE PROBLEMES : FAIRE APPEL A L’EMASP
Médecin d’astreinte joignable par téléphone, 24 heures sur 24, 7 jours sur 7.
Moyens non médicamenteux
Ne pas méconnaître le rôle bénéfique sur la dyspnée
- D’un environnement aéré et reposant (effet bénéfique du courant d’air), d’une démarche rassurante et apaisante.
- D’une bonne hygiène buccale.
VIII. OXYGENOTHERAPIE
- La mise sous oxygène est une prescription, avec ses indications et ses risques (décompensation des insuffisances respiratoires chroniques hypercapniques sous O2 à fort débit).
- L’O2 corrige l’hypoxémie, mais son rôle sur la dyspnée est discuté.
- Les masques, plus efficaces dans ce contexte, empêchent la communication et ne donnent pas l’effet placebo du courant d’air.
- La prescription d’une oxygénothérapie ne doit pas être considérée comme un geste systématique et anodin, d’autant qu’aucune étude n’a montré une efficacité objective de l’oxygénothérapie dans le contrôle de la dyspnée.
- On peut proposer une administration d’O2 sous forme d’un test thérapeutique (2 à 4 l/min, par lunettes), et ne le poursuivre que si le patient y trouve un bénéfice, sans se focaliser sur les mesures de SaO2
- En revanche, chez le patient ayant encore une certaine autonomie, l’oxygénothérapie d’exercice est souvent utile, ce qui signifie que l’on pourra prescrire une oxygénothérapie liquide, qui permet la déambulation, au domicile.