Les demandes d’aide à mourir
Demander n’est pas toujours vouloir
La demande d’aide à mourir peut prendre la forme d’une demande d’euthanasie ou de suicide assisté. Les deux ne sont pas autorisés en France. Cela n’empêche en rien de faire le maximum pour comprendre ce que le patient demande derrière cette interpellation. Une telle demande fait signe d'une grande détresse, d'une souffrance profonde. C’est avant tout une demande d’aide, qui n’est pas à prendre d’emblée au pied de la lettre. Il y a toujours un décalage entre ce qu’on demande et ce qu’on veut, et encore plus dans des moments de grande souffrance.
Parfois compte-tenu de ce caractère illégal les patients exprimant une demande d’aide à mourir formulent une demande de sédation profonde et continue jusqu’au décès (SPJCD) : celle-ci peut dans certain cas répondre de façon légale au vécu insupportable de symptômes réfractaires chez un patient en fin de vie. Il est cependant capital d’expliquer au patient que la SPJCD n’est pas une euthanasie (cf chapitre dédié SPJCD). .
Demander c’est d’abord parler et s’exprimer
La demande d’aide à mourir est une demande qui appelle une parole et un échange, avant toute prescription : il s’agit, dans l’échange et la discussion avec le malade, d’essayer de comprendre quel est l’insupportable dont il souffre et qui peut motiver une telle demande. Ex : « Que se passe-t-il aujourd’hui ? Essayez de m’en dire un peu plus, que nous comprenions ensemble ce qui ne va pas et comment vous aider au mieux »…
C’est aussi l’occasion d’une discussion à plusieurs, en équipe, autour de la situation du malade.
Quelques questions à se poser
- Comme pour tout acte impliquant une décision éclairée d’un patient, il faut avant toute chose évaluer l'état cognitif de la personne qui formule une telle demande et notamment vérifier l’absence de syndrome confusionnel (cf chapitre dédié). L’état confusionnel perturbe, par définition, la relation du patient avec la réalité extérieure, et une telle demande émergeant dans cet état ne saurait être tenue pour valable et définitive. Elle devra en revanche être ré-abordée avec le patient, s’il le désire, une fois le syndrome confusionnel traité.
- Une demande d’aide à mourir s’ancre le plus souvent dans une perception du caractère insupportable d’une situation. Le caractère insupportable est-il lié à des symptômes non contrôlés ? La douleur, intense, non calmée, ou insuffisamment, peut donner envie de mourir si c’est la seule façon imaginable de la faire cesser. Une crise d'angoisse majeure, une situation de profond désespoir, peuvent faire apparaître la mort comme la seule solution possible. Au-delà de la volonté de mourir, exprimée, cette demande n'en recouvre-t-elle pas une autre (de sédation de la douleur, d'anxiolyse, de présence) ?
- Un syndrome dépressif sévère (cf chapitre dédié) peut également favoriser la survenue d’idées suicidaires. Existe-t-il des symptômes dépressifs, et si oui sont-ils impliqués dans cette demande d’aide à mourir ?
- Ou est-ce le manque d’informations, l’incertitude qui sont insupportables ? Le patient est-il correctement informé sur sa maladie, son évolution, les décisions thérapeutiques…? En l’absence de réponse médicale, ou lors d’avis contradictoires, la demande d’euthanasie peut recouvrir une demande d’information et de mise au point avec son référent médical. Elle peut également surgir quand le patient a le sentiment de perdre le contrôle sur sa prise en charge, quand il craint que l’équipe ne décide pour lui sans lui, ou que ses volontés ne soient pas respectées. A ce titre, les directives anticipées de fin de vie (cf chapitre dédié), telles qu’elles figurent dans la loi de 2005, dite Loi Léonetti, gagneraient à être mieux connues des patients comme des soignants.
- Après l'examen des causes possibles (douleur, anxiété, dépression… voir plus haut), une demande d’aide à mourir peut aussi être une façon de parler de la fin de vie, certes d’une manière un peu radicale, mais qui reste d'abord une demande de parole. « Voulez-vous que nous fassions le point sur votre prise en charge ? » est la manière minimale de relancer le dialogue face à une telle demande. La demande d'euthanasie place chaque praticien face à la relation qui s'est constituée entre son patient et lui, face au projet médical et aux finalités de celui-ci. Un espace de réflexion à plusieurs, comme une RCP de soins palliatifs, peut permettre au clinicien d'exposer cette question qui lui est posée dans un cadre multidisciplinaire facilitant l'abord éthique de cette demande.
Se donner du temps
- Maintenir cet espace de parole ouvert, en sachant que la plupart du temps la demande d'euthanasie va évoluer, une fois que ce qui a pu la provoquer a été identifié, et que le traitement des causes a été initié. Si la demande s'installe dans le temps, une évaluation diagnostique spécialisée peut être nécessaire pour faire le point sur les différentes causes psychiatriques potentielles (dépression, confusion) et pour qu'un soutien soit proposé au patient et/ou à sa famille. (Voir Comment proposer la rencontre avec un psy ?)
- Respecter l'espace de parole demandé, indépendamment de nos conceptions et convictions. Nous avons tous une opinion personnelle sur la fin de vie, ce que nous imaginons de la nôtre, comment nous concevons celle de nos proches. Là, il faut essayer de mettre " de côté " nos propres représentations, pour permettre à l'autre de pouvoir dire quelque chose de sa propre fin de vie, indépendamment de nos convictions.
- Au bout de cette analyse il existe un cadre légal qui encadre les pratiques. Quel que soit celui-ci, et qu’elles que soient les convictions de chacun, il est capital que le soignant rappelle au patient son engagement et son soutien.