Le refus de soins d’un patient majeur
Contexte
Le droit de refuser des soins est inscrit dans la loi : « Aucun acte médical ni aucun traitement ne peut être pratiqué sans le consentement libre et éclairé de la personne et ce consentement peut être retiré à tout moment. » Article L.1111-4 du code de la santé publique
Il est indispensable chez un patient conscient de vérifier l’adéquation du refus exprimé avec la volonté du patient et d’exposer les possibilités susceptibles de faire évoluer la situation.
Lorsque un patient n’a pas le niveau de conscience suffisant pour exprimer ses volontés, on recherchera s’il a désigné une personne de confiance et/ou rédigé des directives anticipées (cf chapitre). Celles-ci pourront alors aider à préciser sa volonté.
Qu’est-ce qui est refusé ?
Avant d’être pris au pied de la lettre le refus de soin d’un patient non confus doit d’abord être entendu comme signe potentiellement révélateur d’une souffrance et d’une difficulté, chez le patient comme dans la relation soignant / malade.
Il faut donc chercher ce qui est mis en cause. Il peut s’agir :
- du soin en lui-même (par exemple, le refus d’une chimiothérapie dont l’efficacité incertaine est connue du patient);
- de ses conséquences réelles (douleur, handicap, iatrogénie) ou supposées (par exemple lorsqu’un tel soin ou traitement s’est mal passé chez un proche du malade);
- cela peut être aussi la position du soignant qui est mise en cause dans le refus de soin, par exemple quand un soignant est désinvesti de la confiance (ce qui peut n’être que temporaire, sur un malentendu);
- parfois ce qui est recherché (de façon pas forcément consciente) est l’effet du refus de soin sur les autres (par exemple, patient se sentant délaissé par les siens, et dont le refus peut faire réagir et mobiliser la famille)
Il faut donc faire parler le refus, pas forcément pour faire accepter le soin, mais pour que le patient nous l’explique et se l’explique.
Le refus de soins doit toujours entraîner un dialogue, et non une confrontation. En cas d’agressivité il est parfois préférable de reporter un entretien plutôt que d’aller à l’affrontement.
Quelques questions à se poser
1. Y a-t-il un trouble cognitif (patient confus) ?
Le trouble est somatique, et donc le traitement est médical. On ne peut pas parler de refus de soin chez un patient qui n’est pas en possession de ses moyens cognitifs.
2. Qu’est-ce que le patient a compris du projet de soins ?
N’y a-t-il pas un malentendu ? Le projet de soins est-il clair pour toute l’équipe soignante, au sein de l’équipe ? Le refus de soins peut s’inscrire dans la perception plus ou moins claire de discordances de projets, de différences de discours adressés au patient, d’informations contradictoires dans lesquelles le patient se perd. Il y a nécessité, dans ce cas, d’une réunion pluridisciplinaire pour reposer les objectifs, et clarifier l’utilité et la finalité du soin, pour une remise en place cohérente de ce projet avec le patient et ses proches.
3. Le patient a-t-il réalisé les enjeux et les risques ?
N’y-a-t-il pas un conflit entre deux systèmes de valeurs, par exemple deux visions opposées de la médecine et du soin (médecine classique / médecine parallèle ou complémentaire ?).
4. Existe-t-il des symptômes psychopathologiques ou psychiatriques ?
Dans ce cas le refus peut être insuffisamment éclairé, et la situation devra être réévaluée après traitement des troubles psychiatriques s’ils existent.
Exemples : crise d’angoisse majeure ou attaque de panique, troubles cognitifs hors confusion, idées délirantes, dépression sévère avec perte d’espoir voire idée délirante d’incurabilité…
5. Existe-t-il des difficultés culturelles, des problèmes de communication ? Des impératifs matériels urgents ?
Ne pas oublier alors de faire une place à la famille, à l’entourage propre... Quelle est la place du patient dans la famille, qu’est ce qui est conditionné par ce désir impérieux de retourner à domicile (enfants, inquiétude pour l’intendance à la maison...) ?
6. A qui s'adresse le refus ?
Le refus de soins peut aussi être un moyen ultime de faire réagir l’autre et de faire entendre, aux soignants mais aussi à la famille, sa détresse. Nécessité d’écoute active, et aussi de proposer un soutien psychologique adapté.
Refus de soin ou obstination déraisonnable ?
Une des situations les plus fréquentes d’obstination déraisonnable en oncologie est la poursuite des traitements actifs alors que, en l'état des connaissances actuelles de la médecine, ils apparaissent inutiles ou encore que les risques, les désagréments, la douleur ou la souffrance morale qu'ils génèrent est disproportionnée par rapport aux bénéfices qui peuvent en être attendus ?
Voir l’article 1 de la Loi Léonetti (article L.1110-5 du code de la santé publique) : "Ces actes ne doivent pas être poursuivis par une obstination déraisonnable. Lorsqu'ils apparaissent inutiles, disproportionnés ou n'ayant d'autre effet que le seul maintien artificiel de la vie, ils peuvent être suspendus ou ne pas être entrepris".
Cette loi renforce le droit au refus du patient, y compris lorsque l’arrêt d’un ou des soins peut représenter une menace vitale. Attention donc aux différences de perception : ce qu’on appelle refus de soins dans notre perspective de soignants, est parfois ce que le patient appelle, et vit comme une obstination déraisonnable, et qui ne représente donc pas pour lui une proposition de soins adaptée. Une information précoce lorsque la guérison n’est pas ou plus possible, une relation de soin de bonne qualité, continue dans le temps, qui permette au patient d’exprimer ses valeurs et ses attentes, doivent permettre d’aboutir ensemble à une proposition de soins en phase avec les attentes du patient, et de limiter tant le risque de refus que le risque d’obstination déraisonnable.
Quelques références utiles
Décret
Décret n° 2012-694 du 7 mai 2012, code de déontologie médicale
Circulaire
Circulaire DHOS/E1/DGS/SD1B/SD1C/SD4A/2006 du 2 mars 2006, relative aux droits des personnes hospitalisées et comportant une charte de la personne hospitalisée
Loi Clayes-Leonetti
https://solidarites-sante.gouv.fr/soins-et-maladies/prises-en-charge-specialisees/findevie/ameliorer-la-fin-de-vie-en-france/article/loi-fin-de-vie-du-2-fevrier-2016