Faire une annonce difficile à un enfant
Annonce de la maladie
Pourquoi ?
- Quand rien n’est dit à l’enfant, ce qu’il imagine peut être pire que la réalité et accroitre son angoisse
- Quand l’enfant découvre le mensonge, le non dit, il perd confiance en ses parents.
- Pour prévenir les effets délétères à plus ou moins long terme du mensonge et du non dits.
Quand ?
- Dès le début de la maladie, afin que l’enfant puisse en suivre progressivement l’évolution
- Si possible avant la 1ere hospitalisation, les premiers traitements…
Par qui ?
- Par les parents de préférence : présenter aux parents l’intérêt d’informer leurs enfants
- Par le médecin : si un accompagnement des parents est nécessaire(rdv enfants/parents/médecin)
- Un accompagnement par un psychologue est eventellement possible aussi
- Avant de voir l’enfant,recevoir le/les parent(s) seul(s) pour évaluer ce qui lui a été déjà dit.
Comment ?
- Progressivement, en adaptant son niveau de langage à l’âge de l’enfant
- En partant de ce que sait l’enfant (le parent est « malade »), de ce qu’il a constaté (il ne travaille plus, il est fatigué…).
- Reprendre la genèse de la découverte de la maladie : découverte d’une « boule » / examens qui ont montré des mauvaises cellules (expliquer ce qu’est une cellule si besoin).
- Nommer la maladie : les mauvaises cellules sont des cellules cancéreuses. La maladie s’appelle un cancer.
- Expliquer les traitements et les possibles effets secondaires (fatigue, perte des cheveux, nausée…) : cela rassure l’enfant de savoir qu’on a des traitements à proposer, et que ces effets sont ceux des traitements.
- Dire que les soignants vont faire tout leur possible pour soigner le parent. Ne pas dire « guérir » : ne pas promettre à l’enfant ce que l’on n’est pas sûr de pouvoir tenir.
- Expliquer que l’on ne sait pas toujours pourquoi le parent a un cancer et préciser surtout que ce n’est pas la faute du parent ni des enfants (ce n’est pas parce qu’il n’a pas été sage par exemple…).
- Ne pas faire de chantage à la guérison (si tu travailles bien…, si tu pries…, si tu es sage… papa/maman va guérir).
- Ne pas laisser l’enfant prendre la place du parent malade / ne pas le lui demander (occupe toi bien de ta maman/de ton papa…).
- Proposer que l’enfant vienne voir son parent à l’hôpital (maintien du lien affectif et en cas d’aggravation de la maladie, permet à l’enfant d’intégrer progressivement la dégradation de l’état physique).
En cas de rechute
- Rappeler à l’enfant ce qui a été dit auparavant et préciser que les traitements n’ont pas réussi à soigner le parent comme on le souhaitait.
- Si un autre traitement est possible : en parler tout en précisant que la maladie est très forte / difficile à soigner et qu’on n’est pas sûr d’y arriver mais qu’on fait le maximum
- En cas d’échec des traitements et quand on a plus rien à proposer : dire que la maladie est trop forte, plus forte que les traitements, qu’on n’arrive pas à la contrôler et qu’on est très inquiet (but : préparer l’enfant au décès de son parent).
Préparation au décès /Annonce du décès du parent
Avant le décès
- Faire le point avec l’autre parent ou la personne de confiance pour savoir ce que sait l’enfant. Encourager le parent à préparer les enfants au décès, à les faire venir à l’hôpital. Si besoin proposer de recevoir le parent et l’enfant.
- Repartir de ce que sait l’enfant par rapport à la maladie / les traitements qui ont déjà été faits…
- Expliquer à l’enfant que tous les soignants font leur maximum pour soigner le parent mais que les traitements ne marchent pas et que l’on est très inquiet.
- Quand le décès est proche : dire que la maladie est plus forte et qu’on pense que le parent va bientôt mourir. Ne pas dire : s’endormir/ partir / nous quitter …
- A partir de 6 /7 ans, proposer à l’enfant de voir le parent malade seul s’il le souhaite (« pour lui dire tout ce qu’il a dans son cœur »).
- Si parent inconscient: expliquer à l’enfant que le parent est dans le coma (et non qu’il dort) et que même s’il ne répond pas, il peut lui parler et que le parent l’entend (laisser la possibilité de pouvoir dire au revoir)
- En cas de confusion : expliquer que le parent n’est pas fou mais que la maladie, les médicaments peuvent le rendre un peu bizarre / perdu / qu’il peut ne pas le reconnaitre...
- Bien expliquer à l’enfant comment il va trouver son parent (« il a beaucoup maigri / il est très fatigué… »)/environnement médical ( réanimation, perfusion…) afin qu’il puisse se préparer et éviter qu’il ne se retrouve brutalement face à un parent qu’il ne reconnait pas (d’où l’importance que l’enfant puisse venir régulièrement pendant l’hospitalisation).
- Proposer à l’enfant de l’accompagner dans la chambre s’il le souhaite.
Juste après le décès
- Si possible, garder la dépouille dans la chambre afin que l’enfant découvre son parent mort dans le cadre hospitalier qui lui est familier et non au funerarium, par exemple.
Faire venir l’enfant dans la chambre (s’il le souhaite) pour dire un dernier « au-revoir » et constater la réalité de la mort ce qui favorise le travail de deuil de l’enfant. - S’assurer de ce que l’enfant sait, imagine ce qu’est la mort : « c’est quand on a fini de vivre ». « On ne peut plus bouger, plus respirer, parler, manger…. ». Préciser que c’est irréversible.
- Légitimer le chagrin, les réactions de l’enfant : « tu as le droit d’être triste, en colère, de pleurer…on comprend bien que c’est difficile pour toi… », (C’est plus l’absence de réaction qui serait inquiétante). Eviter de réprimer les réactions même si elles sont un peu vives.
- Si l’enfant est sidéré et ne manifeste rien, préciser que « ce n’est pas parce qu’on ne dit rien qu’on n’éprouve rien », « que c’est parfois tellement douloureux qu’on ne peut plus rien dire… »
- S’assurer que l’enfant aura une place au moment des obsèques et qu’il ne sera pas tenu à l’écart (participe aussi au travail du deuil).
- Ne pas demander à l’enfant d’être fort /de ne pas pleurer ou lui donner des responsabilités qui ne lui reviennent pas (« bien s’occuper du parent survivant … ») ou lui faire promettre des choses qu’il ne pourra pas forcement tenir (« être sage, bien travailler, être courageux…)
Prise en charge possible pour les patients suivis à Gustave Roussy (Unité de Psycho Oncologie) :
- Groupe d’enfants de parents malade : groupe de parole et d’information animés par une psychologue /pédopsychiatre et un médecin. Ce groupe se déroule le mercredi après midi. Dates et inscriptions au 01.42.11.46.30. Encourager la participation au groupe dès le début de la maladie et non en phase terminale.
- Consultations psychologiques individuelles : pour tous parents qui en font la demande, ou qui semblent en grande difficulté pour informer leurs enfants, si le patient semble très inquiet pour ses enfants, si la situation familiale semble particulièrement compliquée (parent célibataire / isolé…)...
Prise de RDV : secrétariat de l’unité de psycho oncologie 01.42.11.46.30.
Rappel
Etre soi même ému est normal quand on annonce un décès imminent ou passé. Il est possible de le verbaliser et de montrer ainsi que l’émotion est normale et partagée.
Ce qui est important est, non pas de se montrer insensible, mais de rester contenant et capable de remplir son rôle de soignant.
Ne pas hésiter à prendre un peu de temps après une annonce difficile avant de retourner aux tâches habituelles et ne pas hésiter à contacter l’UPO (01.42.11.46.30) pour aide et conseils.
C Lopez, N Landry-Dattee, B Celestin, S Dauchy, Departement de soins de Support. Septembre 2013. Mise à jour mars 2014