Prévention et traitement de l’hépatotoxicite du paracétamol
La toxicité hépatique du paracétamol est dose-dépendante . Elle doit être évoquée en cas d’ingestion supérieure à 10 g dans les 24 dernières heures chez le sujet sain.
Elle doit aussi être évoquée en cas d’administration supérieure à 2 g dans les 24 dernières heures chez les patients cirrhotiques, ou dénutris sévères, ou alcooliques non sevrés, ou venant de subir une chirurgie hépatique majeure et/ou radiofréquence (supérieure à 2 segments hépatiques).
Elle doit aussi être évoquée systématiquement en cas d’anomalie du bilan hépatique apparaissant chez un patient recevant du paracétamol, en particulier s’il est associé à d’autres médicaments hépatotoxiques (cf tableau 1).
I. Prévention :
- Chez un patient sans facteur de risque d’hépatotoxicité, il n’y a pas lieu de prescrire plus de 4 g par jour de paracétamol (quelle que soit la voie d’administration);
- Chez les patients à risque d’hépatotoxicité (cirrhose, intoxication alcoolique non sevrée, dénutrition sévère, chirurgie hépatique majeure, médicaments du tableau 1), la prescription de paracétamol doit être évitée, et dans tous les cas elle ne doit pas excéder 2 g par jour.
- Une surveillance du bilan hépatique et du TP est conseillée en cas d’utilisation du paracétamol chez les patients à risque ou à des posologies supérieures à celles recommandées plus haut.
II. Traitement :
- Un traitement de l’hépatotoxicité du paracétamol doit être institué dans les situations suivantes :
- Prise de plus de 10 g dans les dernières 24 heures, quel que soit le bilan hépatique ;
- Prise de plus de 2 g dans les dernières 24 heures chez un patient à risque et apparition d’une cytolyse > 4 fois la normale ou baisse du TP < 70% ;
- Chez tout patient ayant reçu du paracétamol dans les dernières 24 heures, quelle que soit la dose, et insuffisance hépatique grave (TP < 50 % et/ou signes d’encéphalopathie hépatique). Le bilan étiologique comprendra systématiquement les sérologies VHB, VHC, VHA, et une échographie-doppler hépatique.
- Il n’y pas lieu de doser la paracétamolémie avant de commencer le traitement - Le traitement comprend :
- Arrêt immédiat du paracétamol et de tous les traitements hépatotoxiques ;
- Prescription de N-acétyl-cystéine (NAC) : dose de charge : 150mg/kg en 15 minutes dans 250 ml de G5 puis 50 mg/kg dans 500 ml en 4 heures, puis 100 mg/kg dans 1 litre de G5 en 16 heures (même posologie chez l’enfant).
- Traitement d’entretien par NAC 100 mg/kg en 24 heures pendant 48 heures puis arrêt.
- Surveillance : Pouls, TA, température, Glasgow, FR, (réaction urticarienne, bronchospasme ou hypotension pendant la perfusion de N-acétyl-cystéine) + TP, transaminases, créatinine, glycémie au moins 1 fois par jour pendant 5 jours. - En cas d’aggravation (apparition d’une insuffisance hépatique ou non régression de celle-ci) malgré un traitement bien conduit :
- Vérifier l’absence de traitement hépatotoxique ;
- Sérologies VHB, VHC, VHA, échographie-doppler hépatique ;
- Discuter le transfert dans une unité de transplantation hépatique.
Médicaments pouvant augmenter le risque d’hépatotoxicité de paracétamol :
- Inhibiteurs de la glucuronyl transférase UGT1A1 : - phénytoïne - phénobarbital - anti-rétroviraux (anti-VIH)
- Inducteurs de CYP2E1 : - rifampicine et isoniazide
- Médicaments n’influençant pas le métabolisme du paracétamol mais apportant une hépatotoxicité cumulative avec le paracétamol, dont : - irinotécan, gemcitabine, oxaliplatine, 5FU, capécitabine - imatinib, rituximab, géfitinib, erlotinib - fluconazole - métoclopramide, …
1. Des hépatites immuno-allergiques au paracétamol ont aussi été décrites
Références :- Inhibiteurs de la glucuronyl transférase UGT1A1 : - phénytoïne - phénobarbital - anti-rétroviraux (anti-VIH)
- Inducteurs de CYP2E1 : - rifampicine et isoniazide
- Médicaments n’influençant pas le métabolisme du paracétamol mais apportant une hépatotoxicité cumulative avec le paracétamol, dont : - irinotécan, gemcitabine, oxaliplatine, 5FU, capécitabine - imatinib, rituximab, géfitinib, erlotinib - fluconazole - métoclopramide, …
- Seirafi M, Iten A, Hadengue A. Paracétamol : toxicité hépatique aux doses thérapeutiques et populations à risque. Revue Med Suisse 2007 : http://revue.medhyg.ch/
Vitols S. Paracetamol hepatotoxicity at therapeutic doses. J Intern Med 2003; 253: 95-8.
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B. Raynard, Réanimation, Gustave Roussy, Mise à jour octobre 2012