Infections à Clostridioïdes difficile (ICD)
Epidémiologie
- BGP anaérobie sporulé ubiquitaire.
- Seules les souches toxinogènes sont pathogènes
- Tous les enfants sont porteurs asymptomatiques (ne pas le rechercher avant 3ans)
- 3% de porteurs asymptomatiques en population générale adulte, le portage augmente à l’hôpital.
- Transmission manuportée +++ et environnementale +++ = risque épidémique majeur
- 1ère cause de diarrhée nosocomiale qui peut guérir à l’arrêt de l’antibiothérapie qui a favorisée l’ICD
- Impact : allongement de durée de séjour, mortalité (0,6 à 1,5% si diarrhée simple, 30-50% si mégacôlon toxique)
Physiopathologie et facteurs de risque
- FDR patients : > 65 ans, comorbidités, immunodépression, antécédent d’ICD, faible taux d’anticorps anti toxine.
- FDR déséquilibre de la flore/dysbiose: Chimiothérapie, IPP, lavements laxatifs et surtout antibiotiques (< 3 mois) : presque tous sont concernés, quelle que soit la posologie et la durée du traitement (1 dose suffit +++).
- FDR exposition à une souche toxinogène : hospitalisations prolongées ou répétées...
Diagnostic
Le diagnostic doit être RAPIDE pour prévenir la transmission croisée.
Suspicion d’ICD devant des selles diarrhéiques (Bristol 5-6-7), en pratique > 3 selles non moulées en ≤ 24 heures : adresser au laboratoire une selle liquide avec mention recherche de colite à C difficile toxinogène (PAS « une coproculture »).
Il n’y a pas de méthode diagnostique idéale : diarrhée -> algorithme en 2 étapes = screening par méthode sensible (recherche de la présence de la bactérie ) puis confirmation par test spécifique : la présence de TOXINES de C. difficile dans les selles est diagnostique.
Algorithme à GR : test RAPIDE Immuno-chromatographique qui détecte à la fois la GDH (Glutamate déshydrogénase, enzyme spécifique de C difficile : test Se) et la toxine B libre (test Sp). Si GDH et toxine libre sont positives, le diagnostic est confirmé, si GDH positive mais toxine libre négative, on recherche alors le gène de la toxine B par PCR à partir d’un échantillon de selles. La positivité de cette dernière s’interprète selon le contexte clinique (ICD ou colonisation ?) : un patient peut être porteur d’une souche toxinogène en petite quantité donc incapable d’exercer un pouvoir pathogène. Attention au risque de surdiagnostic d’infections à C difficile de la PCR en raison de sa grande sensibilité.
Par ailleurs, la recherche de C difficile par culture est faite, à GR, systématiquement devant toute selle non moulée adressée pour coproculture. Si la culture est positive alors le test rapide de recherche de toxine libre est réalisé : la présence de toxine libre diagnostique une ICD. En cas d’absence de toxine libre, la PCR est discuté selon le contexte clinique.
Critères de gravité :
- Selon l’IDSA : Hyperleucocytose > 15000/mm3, élévation de la Créatininémie >1.5N
- Selon l’ESCMID (clinique endoscopie biologie imagerie) : 70% des patients ont une forme grave.
- Penser à doser le lactate (ne pas prélever en artériel)
Formes cliniques :
- Diarrhée « simple » post antibiotique : guérison après simple arrêt de l’antibiotique dans 25% des cas, problème = récidives
- Colite pseudomembraneuse (début brutal, diarrhée profuse, déshydratation…) qui peut se compliquer de :
- Mégacolon toxique (réanimation avis chirurgical mortalité élevée)
- Patients à risque de récidive : âges > 65ans, comorbidités, antibiothérapie pendant et après le traitement de l’ICD, IPP, antécédent d’ICD et gravité de l’infection initiale (moins bon niveau de preuve pour ce dernier critère)
Signes de complication (infection « fulminante ») :
- Cliniques : hypotension, choc, iléus (il n’y a plus de diarrhée : penser à écouvillonner l’anus pour la recherche de C difficile toxinogène par PCR, pas de recherche possible de toxines sur écouvillon).
- TDM : mégacolon / avis chirurgical.
- Endoscopiques (rarement indiquée, sur avis spécialisé) : colite pseudomembraneuse pathognomonique.
PAS de prélèvement de selle de contrôle : la guérison est jugée sur la clinique, un patient guéri peut porter pendant des semaines la bactérie avec son gène de la toxine sous forme sporulé.
Traitement
Rappel : la seule présence de C. difficile, SANS toxine détectée, ne justifie PAS de traitement.
Toujours tenir compte :
- des précautions complémentaires ICD (cf ci-dessous)
- de bien expliquer les précautions complémentaires ICD au patient et à l’équipe soignante (risque épidémique)
- de prévenir l’équipe de prévention du risque infectieux (pour le personnel de Gustave Roussy, écrire à GD-EOH@gustaveroussy.fr)
- d'arrêter l’antibiothérapie favorisant +++ et d'arrêter les IPP, si possible
- de noter que le ralentisseur du transit est CONTRE indiqué
- de corriger les troubles hydro électrolytiques
Posologie des traitements :
La stratégie est guidée par le risque de récidive.
Le métronidazole n’est PLUS un traitement de première intention (majore la dysbiose, faible concentration dans les selles (car absorbé) et donc moins efficace, avec plus de récidive et mortalité plus importante quand comparé à la Fidaxomycine).
Infections à Clostridioïdes difficile (ICD) avec ou sans signes de gravité, non compliquée :
- Fidaxomicine 200mg PER OS ou SNG x 2/j pendant 10 jours à préférer à la vancomycine surtout si FDR de récidive : > 65ans, comorbidité, ATCD d’ICD, IPP, nécessité de poursuivre l’antibiothérapie (pendant ou après). La Fidaxomicine a un spectre très étroit, inhibe la sporulation et la production de toxine.
- Alternative acceptable : Vancomycine 125mg PER OS (il existe dorénavant des gélules disponibles à la PUI mais elles doivent être conservées au FRIGO ou SNG (utiliser alors la classique forme IV) x 4/j pendant 10 jours (non absorbée : la concentration importante de vancomycine dans le tube digestif qui majore la dysbiose)
Si Patient à risque élevé de récurrence (en hématologie par exemple), discuter avec l'infectiologue :
- 1 er choix : Fidaxomicine : 200mx x2/j 5jours PUIS 200mg 1j/2 – 20 jours
- ou Alternative : Vancomycine 125 mg x4/j pendant 10 jours + Bezlotoxumab (1 dose)
- Le Bezlotoxumab = Ac monoclonal humain anti Toxine B de C difficile, il n’a pas d’effet sur l’épisode en cours, si stimule l’immunité passive pour prévenir la récidive. Perfusion unique de 10 mg/kg pendant une durée de 60 minutes riche en sel, DONC prudence si insuffisance cardiaque congestive.
1ère récidive (< 2 mois après la fin du traitement) :
- Si Vancomycine en 1er choix : Fidaxomicine 200 mg x2/j 10 jours ou 200mx x2/j 5 jours puis 200mg 1 jour sur 2 pendant 20 jours
- Si Fidaxomicine en 1er choix : Vancomycine 125 mg x4/j 10 jours + Bezlotoxumab (1 dose) avec avis infectiologue systématique
-
Si Fidaxomicine et Bezlotoxumab non disponibles : Vancomycine en schéma décroissant : 125mg 4x/j 14j puis 125mg x2/j 7j, puis 125mg x1/j 7j puis 125mg 1j/2 7j puis 125mg 1j/3 7j
Traitement pour une xème récurrence :
- Demander l'avis de l'infectiologue
- Transplantation de microbiote fécal (TMF) ou (Vancomycine 125 mg x4/j pendant 10 jours + Bezlotoxumab) si Fidaxomicine en traitement antérieur.
Infection à C. difficile grave avec iléus (réanimation) :
- Fidaxomicine ou Vancomycine per os/SNG si possible (clamper SNG)
- + Vancomycine en lavement (500 mg dans 100 ml de NaCl 0.9% x 4/j)
- + Tigécycline IV (100mg J1 puis à H12 50 mg x 2/j) ou Métronidazole 500mg IV/8h
- Durée 10 à 14 jours.
- Prendre avis chirurgical.
Consignes pour les patients ambulatoires ou sortants :
- Fidaxomicine et Vancomycine ne sont pas disponibles en pharmacie de ville : donc rétrocession à la Pharmacie de Gustave Roussy : le patient doit se présenter à la pharmacie avec une ordonnance, y compris pendant la période de garde.
- L'équipe soignante doit informer le patient que la diarrhée à C difficile peut se transmettre au sein du domicile
- L'équipe soignante doit expliquer au patient les mesures d’hygiène (savon liquide, Javel) : se laver les mains régulièrement, nettoyer et désinfecter les surfaces, avoir un bon entretien du linge…
- L'équipe soignante doit conseiller au patient de consulter en cas de réapparition de la diarrhée.
Rappel des précautions complémentaires ICD en hospitalisation :
- Bio nettoyage sporicide (« Javel »)
- Attention, les solutions hydro-alcooliques seules ne sont pas efficaces sur cette bactérie. L’Hibiscrub® n’a pas d’action sporicide.
- Isolement géographique (WC dédié au patient)
- Usage des gants systématique avec hygiène des mains avant de les mettre et après leur retrait (savon puis Friction avec SHA).
- Port de sur blouses à manches longues lors des contacts directs avec le patient ou son environnement.
- Petit matériel de soins à usage unique ou individualisé (stéthoscope, appareil à tension, flacons d’antiseptiques, etc.). A défaut, désinfection du matériel (ex. stéthoscope personnel) avec un détergent/désinfectant sporicide type Anioxy-spray WS ou oxyfoam WS.
- Levée des précautions complémentaires 48h après la fin de la diarrhée.
Transmission d'informations
- Mentionner l’infection à C. difficile dans le compte-rendu.
- Informer le patient.
- Prévenir l’équipe de prévention du risque infectieux (pour le personnel de Gustave Roussy, écrire à GD-EOH@gustaveroussy.fr)
--------------------------
Références :- Info-antibio N°94: Novembre 2021 Lettre d’information sur les antibiotiques. Dr S. Alfandari
- Clinical Practice Guideline by the Infectious Diseases Society of America (IDSA) and Society for Healthcare Epidemiology of America (SHEA): 2021 Focused Update Guidelines on Management of Clostridioides difficile Infection in Adults. Clinical Infectious Diseases, Volume 73, Issue 5, 1 September 2021
- ESCMID European Society of Clinical Microbiology and Infectious Diseases: 2021 update on the treatment guidance document for Clostridioides difficile infection in adults Clin Microbiol Infect. 2021 Dec:27 Suppl 2:S1-S21.