Utilisation pratique des traitements anticoagulants dans la maladie veineuse thromboembolique
I. Indication du traitement curatif
Embolie pulmonaire (EP).
Thrombose veineuse profonde (TVP) proximale (sus-poplitée) avec ou sans EP.
Suspicion d’EP avec probabilité clinique intermédiaire ou forte (cf. fiche « diagnostic EP») : commencer le traitement et demander les examens diagnostiques.
HBPM : Héparine de Bas Poids Moléculaire.
HNF : Héparine Non Fractionnée.
AOD : Anticoagulants Oraux Directs.
AVK : Anti-vitamines K.
II. Traitement initial
De préférence, HBPM ou fondaparinux à doses curatives +++
- Tinzaparine (Innohep® 175UI/kg/24h)
- Enoxaparine (Lovenox® 100UI/kg/12h)
- Fondaparinux (Arixtra® 7,5mg/24h pour 50-100 kg)
Surveillance :
- PAS de surveillance systématique des plaquettes, ni avec les HBPM, ni avec le Fondaparinux
- Ne pas surveiller l’activité antiXa sous HBPM.
Réserver l’héparine IV aux malades fragiles très instables ou devant subir des examens invasifs ou une chirurgie et aux insuffisants rénaux sévères (clairance< 30ml/mn).
Les AOD disponibles en France pour la MVTE (rivaroxaban [Xarelto®], apixaban [Eliquis®]) n’ont pas encore une place bien définie dans le traitement initial de la maladie en cancérologie. Les recommandations actuelles « suggèrent » leur utilisation comme alternative aux HBPM, notamment en cas de mauvaise tolérance des HBPM, et chez des patients ayant un risque hémorragique faible.
III. Traitement au long cours
Durée du traitement anticoagulant efficace : tant que le cancer est actif.
Les dossiers complexes sont idéalement discutés en RCP thrombose.
HBPM 3 à 6 mois puis relaispar Anticoagulants Oraux Directs (AOD) possible avec précaution (meilleure observance / décision médicale partagée) :
- Quand le risque hémorragique est faible
- En-dehors des cancers urologiques et digestifs (non opérés ?)
>> On peut suggérer un AOD (après vérification de l'absence d'interaction avec les traitements du patient) : Rivaroxaban : 20mg/j ou Apixan : 5mgx2/j.
Attention, le bilan d'hémostase classique est perturbé sous AOD, il ne permet donc pas de surveiller ou d'adapter un traitement +++
* théoriquement, seules la Dalteparine et la tinzaparine sont des molécules ayant une AMM en curatif au long cours chez les patients cancéreux.
IV. Traitement initial par Héparine non fractionnée (HNF)
Indication :
Malades très instables ou devant subir des examens invasifs ou une chirurgie, et aux insuffisants rénaux très sévères (clairance < 30ml/mn).
- Commenrcer par un bolus de 50 à 100 UI/kg en 20 minutes, suivi d’une perfusion continue de 500 UI/kg/jour.
- Premier contrôle sanguin 4 heures après l’initiation du traitement et après chaque modification de la dose, qui doit être ajustée par contrôle de l’héparinémie préférentiellement au TCA.
- Dans un but curatif, l’héparinémie doit se situer entre 0,3 et 0,7UI/ml.
L’HNF est à éviter :
- Traitement difficile à équilibrer (1/3 de patients sous-dosés, 1/3 de patients sur-dosés).
- Risque de thrombopénie induite (Numération plaquettaire au moins 1 fois/semaine).
Il est recommandé de déterminer l’activité anti-Xa 6 heures après le début du traitement par HNF IV et 4 à 6 heures après chaque changement posologique. Dans le cadre d’un traitement par voie sous-cutanée, il est possible de ne pas faire de surveillance biologique à condition d’utiliser les posologies suivantes : 330 UI/kg pour la première injection SC et 250 UI/kg toutes les 12h pour les suivantes.
V. Anti-vitamines K (AVK)
Chez les patients d’oncohématologie, surtout en cours de chimiothérapie, les HBPM sont poursuivis au long cours (réduction d’environ 50% du risque de récidives thromboemboliques et un peu moins d’accidents hémorragiques qu’avec les AVK).
Si néanmoins un relais par AVK est discuté (la discussion en RCP thrombose est fortement conseillée), celui-ci peut être commencé dès le premier jour d’héparine/HBPM.
La surveillance du traitement par AVK est basée sur la mesure du temps de Quick exprimé en INR. L’INR doit être mesuré chaque jour pendant le relais héparine-HBPM / AVK. Il doit se situer entre 2 et 3 (valeur cible à 2,5). L’héparine-HBPM peut être arrêtée dès que 2 INR consécutifs sont supérieurs à 2. Dans le premier mois, l’INR est ensuite surveillé une à deux fois par semaine (en fonction de la sensibilité individuelle), puis espacé toutes les deux semaines. Après chaque changement de dose il faudra contrôler l’INR dans les 72 heures qui suivent.
Il est recommandé de fournir au patient un « carnet d’information et de suivi de traitement par AVK », tel que celui validé par l’AFSSAPS ( http://agmed.sante.gouv.fr/pdf/10/plaqavk.pdf ).
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Références :O Sanchez et col. Revue des Maladies Respiratoires (2019) 36, 249—283. Recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de la maladie veineuse thromboembolique chez l’adulte. Version courte.
Bellesoeur et al. Crit Rev Oncol Hematol. (2018). Pharmacokinetic variability of anticoagulants in patients with cancer-associated thrombosis: Clinical consequences
Ph. Girard, Pneumologie, Institut Mutualiste Montsouris Mise à jour Novembre 2019