Troubles psycho-comportementaux chez le sujet âgé
I. Définition
Chez le sujet âgé, les symptômes psychologiques et comportementaux peuvent se définir comme des conduites et des attitudes inadaptées aux lieux et aux situations.
On distingue 2 grands types de troubles comportementaux :
• Troubles négatifs ou déficitaires : qui se manifestent sous la forme d'un retrait, d'une apathie, d'une adynamie, d'une indifférence à soi-même et à l'environnement, voire d'une dépression
=> Ces troubles passent souvent inaperçus ou peuvent être relativement bien tolérés car ils ne pas dérangent pas l'entourage humain.
• Troubles positifs ou productifs : qui deviennent dérangeants pour l'environnement humain et matériel : agitation, déambulation, agressivité, cris, hallucinations, idées délirantes.
=> Ces troubles favorisent l’épuisement de l’entourage avec des risques de maltraitance.
II. Etiologies principales
Pathologies démentielles : Dégénérescence fronto-temporale, démence à corps de Lewy, démence vasculaire, maladie d'Alzheimer…
Somatiques : état confusionnel, douleur, affections intercurrentes (fièvre, globe urinaire, troubles sensoriels…), iatrogénie, épuisement, inconfort corporel…
Environnementales : environnement physique non familier, bruyant, stimulation insuffisante ou excessive, équipe soignante ou entourage inadaptés ou non formés.
Souffrance psychologique : conflit familial, événement douloureux récent…
III. Prise en charge
1ère étape / analyse des troubles et typage :
Psychologique ou comportemental, aigu ou chronique, dérangeant ou non.
2ème étape / examen clinique du patient et prise en charge si nécessaire :
- Faire un diagnostic et rechercher des causes somatiques en priorité : Syndrome confusionnel, infection / fièvre, constipation/fécalome, globe, …
- Traiter les facteurs précipitants ou déclenchants
- Effectuer une prise en charge non médicamenteuse :
- Favoriser l'apaisement : voix calme, ton apaisant, écouter, observer…
- Préserver la communication : éviter les différentes sources de distraction lors de la communication avec le patient (télé, radio, etc..), attirer son attention, échanger en face à face, faire passer un message à la fois, utiliser des phrases courtes, répéter si besoin, utiliser des questions fermées, des gestes pour la transmission d’une information
- Eviter l'isolement et la contention si possible
- Eviter les excitants (café, soda) en fin de journée
- Favoriser l’environnement : Espace adapté à la déambulation, environnement apaisant
- Evaluer l'inconfort vestimentaire et de position (lit, fauteuil)
- Proposer une prise en charge psychologique
- Proposer une stimulation quotidienne adaptée : éviter l’hypostimulation, faire participer la personne aux activités de la vie quotidienne qu’elle est en mesure de réaliser, demander une prise en charge kiné
3ème étape / Traitement médicamenteux
Indications :
Un traitement médicamenteux s’envisage UNIQUEMENT SI :
- Troubles psychotiques sévères et non contrôlables autrement
- Échec des mesures non médicamenteuses ou en cas d’urgence (danger pour le patient lui-même ou pour autrui).
Recommandations :
- Choisir le médicament en fonction des symptômes cibles en évaluant la balance bénéfice-risque
- Privilégier une monothérapie
- Initier le traitement par des petites doses (de l'ordre du quart des posologies usuelles chez l’adultes jeune), en augmentant progressivement si nécessaire (par palier), pour des durées courtes (pas de prolongation thérapeutique inutile, particulièrement dans les états démentiels)
- Adapter la galénique en fonction de l'acceptabilité du patient
- Réserver l’utilisation d’injectables uniquement en situation d’urgence)
- Privilégier les traitements per os : gouttes, comprimés orodispersibles
- En cas de voie orale inadaptée ou impossible, préférer la voie SC, IM à la voie IV
- Evaluer tous les jours jusqu'à stabilisation du comportement puis toutes les semaines :
- L’efficacité
- La tolérance physique, neurologique et cognitive
- Ne modifier qu'un traitement à la fois
Règles de prescription des neuroleptiques :
- Evaluer systématiquement le risque d’événements cérébro-vasculaires, cardiaques, neurologiques, cognitifs et métaboliques
- Réaliser un ECG AVANT instauration et pendant le traitement (risque d'allongement du QT avec les neuroleptiques)
NB : Si l’ECG est impossible et l’administration de neuroleptique indispensable, privilégier le Loxapine -Loxapac® 25 mg
- Ne pas associer plusieurs neuroleptiques entre eux
- L'association de neuroleptiques est envisageable, de manière ponctuelle, dans la prise en charge de certaines psychoses aiguës mais doit demeurer exceptionnelle.
Règles de prescription des benzodiazépines :
- Limiter la prescription des anxiolytiques à la crise et sur une courte durée après avoir éliminé une cause somatique, relationnelle, psychologique ou iatrogène
- Réévaluer régulièrement l'efficacité et la nécessité du traitement par benzodiazépine
- Evaluer systématiquement les effets secondaires liés aux benzodiazépines : troubles du comportement, altération de la conscience, risque de chute, dépendance physique et psychique, tolérance pouvant conduire à une augmentation des doses pour obtenir l'effet recherché
- Ne pas associer 2 benzodiazépines ou 1 benzodiazépine et 1 hypnotique
- Prudence en cas d'association : neuroleptique et benzodiazépine
- Prudence dans l’utilisation des benzodiazépines dans les syndromes confusionnels : ont tendance à l’entretenir.
Stratégie pharmacologique :
1. Crise avec agitation et agressivité :
- de nature anxieuse : recourir aux benzodiazépines à ½ vie courte per os ou en SC selon la compliance du patient
- Oxazépam - Seresta® PO (en commençant par 10 mg)
- Alprazolam - Xanax®PO (en commençant par 1 cp 0,25 mg)
- Lorazepam-Temesta® PO (en commençant par 1 mg)
- Diazepam Valium SC (en commençant par 5 mg) si PO impossible
- de nature psychotique : le choix du neuroleptique se fera en fonction de l’intensité du trouble
- Intensité modérée : Tiapride – Tiapridal® per os (en gouttes) ou IM
NB : Loxapine -Loxapac®25 mg en gouttes ou IM, surtout si l’ECG est impossible à faire
- Intensité forte : neuroleptiques atypiques (gouttes ou forme velotab) : Olanzapine-Zyprexa® (en commençant par 5 mg/j) et Halopéridol-Haldol®(en commençant par V gouttes par exemple)
2. Agitation avec signes psychotiques :
• Neuroleptiques atypiques à ½ vie courte :
- Rispéridone-Risperdal® : 0.25mg à 1mg/J
- Olanzapine-Zyprexa® : en commençant par 5mg/J (moins de risques d’effets extrapyramidaux mais action sédative +++) – HORS AMM
En cas de démence parkinsonienne, la clozapine-Leponex® est le seul neuroleptique pouvant être utilisé dans le traitement des troubles psychologiques, en cas d'échec de la stratégie habituelle.
• Clozapine : risques majeurs d'effets indésirables =Agranulocytose (nécessite une surveillance hématologique stricte) et myocardite (risque augmenté en cas d’association avec les benzodiazepines)
• Anticonvulsivants : HORS-AMM, non recommandé par l’HAS
Acide valproïque – Depamide® ou Micropakine LP®
3. Agitation avec irritabilité :
• Antidépresseurs sans effets anticholinergique :
- IRSS :
- Sertraline-Zoloft® (débuter à 25mg/J puis augmenter progressivement jusqu’à 150 mg/j si necessaire)
- Citalopram-Seropram® (10 mg/J jusqu'à 20mg /J max)
- Escitalopram – Seroplex® (10 mg/j) ; attention à l’allongement du QTc avec ce traitement
- Vortioxetine - Brintellix® : débuter à 5 mg puis augmenter jusqu’à 20 mg
- Mirtazapine-Norset® 15 à 45 mg/J à instaurer par palier de 15 mg tous les 15 J ; arrêt progressif du traitement sur 1 à 2 semaines.
- Miansérine-Athymil®: 10 mg pour commencer (jusqu’à 60 mg/j)
• A éviter :
- Paroxétine – Déroxat® en raison de la survenue plus fréquente d’un syndrome extrapyramidal, de sa plus grande prévalence de sevrage, de son potentiel d’interactions médicamenteuses et d’une concentration plasmatique souvent élevée chez la personne très âgée pour laquelle une adaptation des doses est indispensable
- Fluoxétine – Prozac® ne convient pas au traitement du sujet très âgé en raison de sa très longue demi-vie et risque d’hyponatrémie.
4. Agitation avec anxiété :
• Benzodiazépines à ½ vie courte :
- Oxazépam - Seresta® PO (en commençant par 10 mg)
- Alprazolam - Xanax®PO (en commençant par 1 cp 0,25 mg)
- Lorazepam-Temesta® PO (en commençant par 1 mg)
- Diazepam Valium SC (en commençant par 5 mg) si PO impossible
• A éviter : Les antihistaminiques type hydroxyzine-Atarax® (en raison de leur effets anticholinergiques et des risques de torsades de pointes, surtout si associé aux IRSS ou IRSSNA ou Tricycliques).
5. Agitation nocturne :
• Antidépresseurs sédatifs :
- Mirtazapine-Norset®
- Miansérine-Athymil®
• Hypnotiques à durée d'action courte :
- Zolpidem- Stilnox® (attention : prescription sur ordonnance sécurisée)
- Zopiclone- Imovane® à demi dose ++
Traitement de courte durée (1 à 2 semaines) et à réévaluer régulièrement :
• A éviter : Les neuroleptiques hypnotiques type Alimémazine –Théralène®
NB : La contention mécanique ne doit être envisagée qu’en cas d’échec des autres modalités de prise en charge et doit rester exceptionnelle (cf chapitre dédié)
Fiche résumé :
IV. Bibliographie
Reco BP HAS 2009 : "Maladie d’Alzheimer et maladies apparentées : prise en charge des troubles du comportement perturbateurs"
Clinical Geriatrics June 2011: Behavioral and Psychological Symptoms of Dementia
Best Practice Guideline for accommodating and managing behavioural and psychologicals symptoms of dementia in residential care, British Columbia.
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Céline LAZAROVICI-NAGERA - Maxime FRELAUT - GUSTAVE ROUSSY - Mise à jour en janvier 2025