Embolie pulmonaire : diagnostic
- La mortalité de la MVTE est de 5 à 25%, il s'agit d'une urgence diagnostique et thérapeutique.
- Seuls 15-20 % des patients avec suspicion clinique d'EP ont réellement une EP, une démarche diagnostique rigoureuse est nécessaire afin d'éviter des examens inutiles et potentiellement délétères.
- Le diagnostic de MVTE chez un patient suivi pour cancer va nécessiter une anticoagulation efficace tant que le cancer est « actif » (« à vie » souvent), il faut donc être certain du diagnostic.
Dans tous les cas, l’attente des résultats ne doit pas faire retarder le début du traitement, surtout en cas de probabilité clinique forte.
I. MVTE et CANCER
Le cancer est un facteur favorisant de la MVTE (Risque relatif de l’ordre de 3 à 8) qui est alors un facteur pronostique négatif indépendant. Le risque thrombotique est lié au type de tumeur (pancréas, ovaires, poumon, estomac, SNC, ACUP …) et à son extension (métastatique > localisé). .
L’hypercoagulabilité est multifactorielle :
- Synthèse de substances pro-coagulantes et anomalies acquises de l’hémostase,
- Obstruction veineuse (compression extrinsèque),
- Immobilisation prolongée,
- Traitements : chimiothérapie (thalidomide, L-asparaginase, tamoxifène, sels de platine, facteurs de croissance…), chirurgie, radiothérapie,
- Dispositifs veineux centraux.
II. ÉLÉMENTS DIAGNOSTIQUES
Aucun signe clinique n’est spécifique de MVTE. Interrogatoire, examen clinique, contexte, examens complémentaires simples comme ECG et radiographie thoracique conduisent, au maximum, à une SUSPICION de MVTE.
La présence d'un ou plusieurs signes de gravité requiert systématiquement un AVIS auprès du réanimateur (DECT 2 2808) et ce avant tout examen d'imagerie.
En cas de suspicion clinique d’EP non grave, on peut commencer l’évaluation diagnostique par la réalisation d’un « score de probabilité clinique ». Le plus utilisé est le score dit « de Genève » :
La biologie
L’intérêt des D-Dimères en ELISA est largement prouvé dans la population générale (VPN 98%).
A Gustave Roussy, les D-Dimères sont dosés sur les automates d’hémostase par une méthode immuno-turbidimétrique ("Liatest D-dimères"), parfaitement corrélée à la technique ELISA. Les résultats sont obtenus en 10 min. La valeur « seuil » peut être ajustée à l'âge : 500 si âge < 50 ans, âge en années X 10 si > 50 ans. La valeur diagnostique pour éliminer le diagnostic est excellente même chez les patients atteints de cancer, mais sa "rentabilité" est moindre (1 patient cancéreux/10 seulement, contre 1 patient sur 3 hors cancer).
L’ECG :
- Doit être systématique,
- Peut être normal, la tachycardie sinusale est le signe le plus fréquent.
- Aide la recherche d’un diagnostic différentiel.
La Radiographie pulmonaire :
- Doit être systématique avant tout autre examen d’imagerie,
- Peut être normale,
- Aide la recherche d’un diagnostic différentiel.
III. Algorithmes diagnostiques
On distingue les algorithmes pour suspicion d’EP grave et non grave. Ces algorithmes théoriques peuvent (doivent) être adaptés aux compétences et disponibilités locales, mais également en fonction du degré d’urgence et des caractéristiques de chaque patient.
Suspicion d’EP grave (syncope, choc) : appel réanimateur (DECT 2 2808)
L’examen diagnostique le plus « rentable » est l’échographie cardiaque : une HTAP renforce la probabilité diagnostique, alors que l’absence d’HTAP doit faire rechercher un diagnostic autre que l’EP pour expliquer le choc. L'échographie permet parfois de visualiser les caillots (dans les cavités cardiaques et/ou AP proximale) et d’affirmer le diagnostic.
Dans le cas contraire (HTAP mais pas de caillots visibles), ou si une échographie cardiaque n’est pas réalisable, on discutera cas par cas, en fonction de leur disponibilité et de l’état clinique du patient, la réalisation d’examens supplémentaires (échographie veineuse ? angioscanner ?) qui seuls permettront d’affirmer le diagnostic de MTEV de façon formelle.
Suspicion d’EP non grave
Plusieurs algorithmes diagnostiques sont validés. L’utilisation de l’un ou l’autre dépendra des disponibilités locales et des caractéristiques du patient.
Sont utilisables :
- Les D-dimères : Cf. ci-dessus.
- L’échographie-doppler veineuse des MI peut être un examen de première intention : la mise en évidence d’une TVP sus poplitée (visualisation du thrombus et/ou la perte de compressibilité veineuse) chez un patient suspect d’EP suffit pour affirmer le diagnostic d’EP et initier le traitement.
- L’angioscanner thoracique :
- Utilisé seul, et sous réserve d’un examen de bonne qualité, la sensibilité et la spécificité sont supérieures à 95% pour les caillots segmentaires et plus proximaux.
- Pour les caillots sous-segmentaires isolés, sensibilité et spécificité sont plus débattues, mais on retiendra qu’un caillot sous-segmentaire isolé ne peut pas expliquer à lui seul une suspicion clinique d’EP.
- Enfin il permet souvent de diagnostiquer des pathologies autres que l’EP pouvant expliquer les symptômes : épanchement pleural, pneumopathie, progression tumorale… - La scintigraphie pulmonaire élimine le diagnostic d’EP si elle est normale. Elle sera évitée (ou interprétée avec la plus grande prudence ! ...) en cas de radiographie anormale. En pratique, elle n’est plus utilisée qu’en cas de réelle contre-indication du scanner.
O. Sanchez. Revues des Maladies Respiratoires (2019). Algorithme simplifié utilisant l'angioscanner.
EP de découverte fortuite
En cancérologie, 5 à 10% des EP sont découvertes sur des examens demandés pour une indication autre qu’une suspicion d’EP ou TVP. Les recommandations actuelles, en cancérologie, « suggèrent » la mise en place d’un traitement anticoagulant comme s’il s’agissait d’une EP (ou TVP) symptomatique.
------------------------------------- Référence: O. Sanchez et col. Revue des Maladies Respiratoires (2019) 36, 249-283. Recommandations de bonne pratique pour la prise en charge de la maladie veineuse thromboembolique chez l'adulte. Version courte. A. Stoclin, Département Interdisciplinaire d'Organisation des Paracours Patients (DIOPP), Service Soins Aigus, Gustave Roussy. L. Drouard, Biologie médicale, Département de Biologie et pathologie médicales, Gustave Roussy Ph. Girard, Pneumologie, Institut Mutualiste MontsourisMise à jour Novembre 2019.

O sanchez et coll. Revue des Maladies Respiratoires (2019)