Insuffisance surrénalienne
I. Introduction
L’insuffisance surrénalienne peut être classée selon :
- LA CAUSE : primaire (surrénalienne) ou corticotrope (hypophysaire)
- Chronique ou aiguë
Dans le cas des insuffisances surrénales aiguës (ISA), 3 cas de figure sont possibles :
- ISA brutale (exemple typique : nécrose bilatérale des surrénales dans le SAPL)
- Décompensation d’une insuffisance surrénale chronique (ISC) connue et substituée
- Aboutissement d’une ISC non diagnostiquée et décompensée
Insuffisance surrénalienne primaire (ou basse) : dysfonctionnement de la glande surrénale.
Elle associe un déficit en cortisol (+-aldostérone).
- Ses causes : auto-immune, infections (tuberculose, histoplasmose…), métastases surrénaliennes bilatérales, vasculaires (Hémorragie bilatérale des surrénales ou nécrose bilatérale des surrénales (syndrome catastrophique des antiphospholipides)), médicamenteuse (anticortisolique) : métyrapone (Métopirone®), kétoconazole, op’ddd (Mitotane®, Lysodren®) Osilodrostat (Isturisa), Immunothérapie, Surrénalectomie bilatérale, génétiques (Hyperplasie congénitale des surrénales, Adrénoleucodystrophie (pathologique génétique liée à l’X).
Insuffisance corticotrope (ou secondaire, ou haute) : insuffisance de production d’ACTH.
Le déficit en cortisol est isolé.
- Ses causes : corticothérapie prolongée (même à faible dose) arrêtée brutalement, pathologie hypophysaire (adénome, métastase, hypophysite auto-immune (y compris post-immunothérapie) …), association corticoïdes de synthèse et ritonavir.
II. Tableau clinique : ASPÉCIFIQUE !
Insuffisance surrénalienne aiguë
Le tableau s’apparente à une gastro-entérite (douleurs abdominales parfois pseudo-chirurgicales) ou un syndrome grippal (myalgies, douleurs articulaires, fièvre, céphalées, asthénie…). Il évolue rapidement en l’absence de traitement vers un état de choc vasoplégique ne répondant pas au remplissage, amines et antibiotiques empiriques.
Toute douleur abdominale ou céphalée aiguë chez un patient ISC connu est une ISA jusqu’à preuve du contraire, et impose la majoration des doses d’hydrocortisone.
Insuffisance surrénalienne chronique
Asthénie, anorexie, perte de poids, malaise, hypotension orthostatique, hypoglycémie, troubles thymiques. L’appétence pour le sel est inconstante mais évocatrice.
En cas d’insuffisance surrénale primaire chronique, l’examen clinique peut retrouver une mélanodermie (pigmentation cutanée et muqueuse de type bronzage) inconstante mais très évocatrice; dans l’insuffisance corticotrope, il n’y a pas de mélanodermie mais une pâleur.
III. Biologie
Les anomalies sont d’autant plus sévères que l’insuffisance surrénale est décompensée. Cependant, elles sont peu sensibles et ne peuvent apparaître que tardivement : il ne faut pas attendre l’apparition des anomalies biologiques pour traiter +++
- Hyponatrémie.
- Insuffisance rénale fonctionnelle (avec natriurèse élevée) .
- Hyperkaliémie.
- Hypoglycémie.
- Anémie normochrome normocytaire.
IV. Confirmation du diagnostic
Dosage de la cortisolémie à 8 heures : (ne pas attendre d’avoir le résultat en cas de tableau sévère)
- Si < 138 nmol/L (= 5 µg/dL) : diagnostic d’insuffisance surrénale CERTAIN.
- Si > 500 nmol/L (= 18 µg/dL) : diagnostic d’insuffisance surrénale ELIMINE.
- Entre 138 et 500 nmol/L (entre 5 et 18 µg/dL) : nécessité de faire un test au Synacthène® et de prendre un avis spécialisé en endocrinologie.
* Test au Synacthène® : dosage de la cortisolémie 30 et/ou 60 minutes après l’administration de 0,25 mg IV ou IM de Synacthène® +/- dosage de la cortisolémie avant l’injection si le test débute le matin vers 8h-8h30) :
- Si < 500 nmol/L (18 µg /dL) : diagnostic d’insuffisance surrénale CERTAIN
- Si > 500 nmol/L (18 µg /dL) : diagnostic d’insuffisance surrénale primaire et d’insuffisance corticotrope profonde ELIMINÉ. Ceci n’élimine pas une insuffisance corticotrope partielle pour laquelle un test à la Métopirone® ou une hypoglycémie insulinique pourront être réalisés en l’absence de contre-indication, en milieu hospitalier et dans un service d’endocrinologie
Il ne faut plus raisonner sur un doublement de la valeur du cortisol, mais bien sur la capacité de la surrénale à produire de fortes doses de cortisol (>500 nmol/L) en réponse à l’injection de Synacthène®
Nb : un dosage d’ACTH plasmatique > à 100 pg /ml permet également de faire le diagnostic d’insuffisance surrénale primitive, mais le prélèvement est délicat (nécessite une centrifugation à froid puis congélation immédiate pour dosage ultérieur).
V. Prise en charge de l'insuffisance surrénale aiguë
- En cas de suspicion d’insuffisance surrénale aiguë :
> Prélever un tube pour dosage de la cortisolémie
> Traiter avant d’en avoir le résultat +++++ - Réhydratation :
NaCl0.9% (G5% + NaCl si hypoglycémie). Attention à l’hypokaliémie. Perfusion à adapter à la perte de poids : moyenne 4L/24 h avec 1 L sur la première heure de prise en charge. - Hemisuccinate d’hydrocortisone (HSHC) I.V. :
Bolus de 100 mg puis 100 à 200 mg IVSE/24heures (ou 50mg toutes les 6h en IV). Relais dans un second temps par hydrocortisone per-os avec une décroissance progressive pour atteindre 20-25 mg/jour en 2 ou 3 prises (exemple 10-5-5 (16h)mg), à réévaluer par un endocrinologue. - Fludrocortisone
en association avec l’hydrocortisone si insuffisance surrénale primaire (Flucortac®, disponible en pharmacie de ville) à la dose de 50 à 100 µg par jour. A ajouter dans un second temps car à la posologie initiale de 200 mg/j, l’HSHC possède un effet minéralocorticoïde suffisant. - FACTEUR DÉCLENCHANT : à traiter (infection,…)
Décompensation aiguë d’une ISC connue et traitée.
- Rechercher un facteur déclenchant (et le traiter si nécessaire) +++ : infection, stress physique ou émotionnel, accident cardio-vasculaire grossesse, anesthésie, .. Le patient doit savoir identifier les potentiels facteurs de décompensation.
- En cas de stress (infection…), majorer les doses d’hydrocortisone à 20 mgx3/jour (avec une prise le soir au coucher) pendant toute la durée de l’évènement intercurrent et 48h après.
- Si vomissements/diarrhées profuses : administrer 100 mg d’HSHC (IV, IM ou SC)
- En cas d’anesthésie, prévoir une supplémentation en HC suffisante avant, pendant et après.
- Le patient doit être en possession d’une carte d’insuffisant surrénalien chronique et de son kit d’injection. Des HDJ sur l’éducation thérapeutique à la gestion de l’insuffisance surrénalienne chronique sont recommandés en milieu endocrinologique (ex HDJ à Cochin).
Protocole d’arrêt de la corticothérapie
Quand est-il indiqué ?
Après corticothérapie, le degré de suppression de l’axe corticotrope est variable d’un individu à un autre et est fonction de la puissance des corticoïdes utilisés, de la dose utilisée et de la durée du traitement.
Si la dose reçue est supérieure à 5 – 7,5 mg de prednisone ou de son équivalent (cf. Tableau) pendant une durée supérieure à 2 à 3 semaines, il existe un risque d’insuffisance corticotrope.
Son déroulement :
- Remplacement de la corticothérapie (après arrêt progressif si nécessaire) par de l’hydrocortisone (20 mg/j : 10-5-5mg)
- Deux à trois mois plus tard: dosage de la cortisolémie :
- Si > 18 μg/dL <500 nmol/L : arrêt de l’hydrocortisone
- Si < 5 µg/dL < 138 nmol/L : poursuite de l’hydrocortisone (20 mg/j) et refaire un dosage de cortisolémie 3 mois plus tard.
- Si Cortisol entre 5 et 18 µg/dL: faire un test au Synacthène® :
* Si pic de cortisol > 18 µg/dL: arrêt de l’hydrocortisone
* Si pic de cortisol < 18 µg/dL : poursuite de l’hydrocortisone à la dose de 10 mg/j et refaire un test au Synacthène® 3 mois plus tard.
Le patient ne doit pas prendre l’hydrocortisone le matin avant le dosage de la cortisolémie ou la fin du test au Synacthène®.
ATTENTION il ne faut pas augmenter la dose d’hydrocortisone si le cortisol est bas (il n’est que le reflet de la production endogène de cortisol).