Convulsions / Epilepsie
1. Prise en charge d'un état de mal épileptique (EME)
Définitions :
épilambaneim « saisir, attaque par surprise » (Grec)
- Crise = symptôme
- Epilepsie = récurrence des crises
- Convulsions: altérations de la conscience ou de l'activité motrice, secondaires à des décharges rapides de groupes de neurones au niveau du cortex cérébral.
- Etat de Mal Epileptique (EME): crises continues ou succession de crises sans amélioration de la conscience sur une période supérieure à 30 minutes
Etiologies :
- Désordres hydroélectrolytiques ( !! en cas d’hyperhydratation)
- Infections (surtout du SNC)
- Tumeur cérébrale
- Chimiothérapie: Cyclophosphamide, Ifosfamide, Méthotrexate IV/IT, Cytarabine, BCNU, Busulfan, DTIC, Vincristine, Cisplatine, Asparaginase
- Autres médicaments: Xylocaïne, Codéine, Acupan, Tramadol,
- Certains anesthésiques : antidépresseurs, neuroleptiques
- Radiothérapie (séquelle tardive)
- Hémorragie intracrânienne en période de thrombopénie
- Thrombose du sinus veineux longitudinal associé à l’Asparaginase
- Syndrome d’encéphalopathie postérieure réversible (PRES)
Clinique :
Crises généralisées : la décharge implique tout le cortex mais souvent, il s’agit de crises partielles secondairement généralisées ou bilatérales
- Absences: brèves périodes de perte ou trouble de la conscience
- Crise tonico-clonique: tonique, clonique et atonique
- Myoclonies/clonies: secousses brusque ou soudaines, parfois amples parfois parcellaire erratique.
Crises partielles : simple (préservation) ou complexe (trouble de la conscience)
- Tester l’enfant pendant la crise pour juger son état de conscience
- Evaluer le temps de récupération de la motricité et du langage.
- La clinique dépend de(s) (l’) aires corticale(s) concernée(s).
- Occipitale : signes visuels élémentaires, illusions colorées ; secousses oculo-cloniques latéralisées;
- Centrale selon le Rolando
- En avant : signes cloniques ou hypertoniques
- En arrière : sensations anormales à type de picotement, fourmillement, douleurs. Crises à marche ascendante.
- Pariétale : modifie la représentation de soi ou de l’espace (aspect, taille…), vertige (sortie du corps), version lente yeux et tête…
- Temporale, temporo-insulaire : signes végétatifs, sensation d’angoisse, mimique de peur, tachycardie, érythrose, horripilation, automatismes oro-alimentaires ou gestuels (grattage, manipulation) ; auditif : sensations auditives.
- Frontale : crise courte, en salves, soudaine, absences avec signes somatomoteurs, phénomènes brutaux de posture, phénomènes comportementaux.
Autres crises et cas particuliers : Spasmes infantiles (syndrome de West), syndrome de Lennox Gastaut, syndrome de Dravet, encéphalopathies épileptiques génétiques ...
Bilan à débuter sans retarder le traitement de la crise :
- Glycémie capillaire, Ionogramme sanguin avec calcémie, Magnésémie, Glycémie
- NFS/Plaquettes.
- Hémostase (si Asparaginase)
- Bilan infectieux si fièvre
- EEG veille. Pour les petits d’âge inférieur à 6 ans : EEG de sieste Recherche de décharges infracliniques
Une fois l’état clinique de l'enfant stabilisé :
- Scanner/IRM cérébrale (+/- séquences d´AngioIRM si le patient a reçu de l´Asparaginase)
Conduite à tenir en urgence :
- Position latérale de sécurité, le protéger des traumatismes
- Désobstruction des voies respiratoires et O2 100%
- Fréquence cardiaque et respiratoire, pression artérielle et saturation en oxygène
- Pose d’une canule de Guedel ou Mayo si perte de conscience
- Pose d’une voie veineuse périphérique
- Traitement de la fièvre, déshydratation, correction des troubles métaboliques
Protocole d’urgence :
Benzodiazepine: action rapide et large spectre. Indication dans tous les états de mal épileptiques (sauf crises toniques du Lennox Gastaut)
- DIAZEPAM (Valium®) :
- IDVL : 0.3 mg/kg (doses max : 5 mg < 5 ans < 10 mg)
- Intra-rectale 0.5 mg/kg
- BUCCOLAM (Midazolam) intrabuccal entre la joue et la gencive
- Entre 3 et 6 mois : en hospitalier ampoule jaune 2,5 mg
- Entre 6 mois et 1 an : ampoule jaune 2,5 mg
- Entre 1 an et 5 ans : ampoule bleue 5 mg
- Entre 5 et 10 ans : ampoule mauve 7,5 mg
- Après 10 ans: ampoule orange 10 mg
Si la crise persiste, refaire au bout de 5 minutes :
- la même dose de Valium en IV lent 0,3 mg/kg ou en intra-rectal 0,5 mg/kg
Si la crise persiste, refaire au bout de 10 minutes :
- CLONAZEPAM IVDL (Rivotril) : une ampoule (1 ml = 1 mg), à diluer dans du sérum physiologique.
- Dose de charge : 0,05 mg/kg en IVL sur deux minutes, (max 1 mg)
- Possibilité de refaire une autre dose si la crise persiste au bout de 10 minutes
- Dose d’entretien en continu : 0.1 mg/kg/6h < 4 ans < 0,05 mg/kg/6h.
- Si arrêt des crises, diminuer de 50% toutes les 6h jusqu’à 0,1 mg/kg/j.
- Relais per os : Rivotril gouttes (une goutte = 0,1 mg) en 2 à 4 prises et renforcer traitement Depakine ou Keppra (cf. ci-dessous)
- Si persistance des crises ou récidive précoce (avant la 6ème heure) :
- Soit garder le Rivotril à 0,1 mg/kg/6 h en continu et rajouter Depakine ou Keppra IV (cf ci-dessous)
- Soit Protocole DILANTIN
Contacter les REANIMATEURS en fonction du contexte : détresse respiratoire, trouble hémodynamique, coma.
PHENYTOINE (Dilantin) 1 ampoule à diluer dans du sérum physiologique (Jamais dans la sonde gastrique) :
- Dose de charge IV lent sur 20 mn à 15 mg/kg (max 1g) à débit max de 1 mg/kg/minute (max 50mg/min) et dans une grosse veine.
- Dose d'entretien à 5 mg/kg/8h (3 injections/jour après la dose de charge).
Dosage du taux sérique 4 heures après l'injection (marges thérapeutiques entre 10-20 mg/l = 40-80 mmol/l).
Hospitalisation en réanimation : HYPNOVEL
Pour renforcer le traitement après Protocole de Valium ou Rivotril.
Poursuivre avec :
- Keppra :
- Dose charge 20 mg/kg en IV sur 30 minutes
- Dose d’entretien 40 mg/kg/j en deux prises
- Si patient déjà sous Keppra : ajout de la VALPROATE (Dépakine)
- Indications : EME secondaire à un sevrage en valproate ou si situation clinique palliative sans réanimation
- Dose de charge 25 mg/kg IV, puis IVC à 30 mg/kg/j (max 1g/jour).
- Poursuivre selon les taux sanguins.
- Vimpat
- Dose de charge en IV 5 mg/kg sur 30 mn
- Relais per os 8 à 10 mg/kg/jour.
- Gardenal peu indiqué car inducteur enzymatique.
En conclusion, EME généralisé ou partiel secondairement généralisé répond généralement au Valium, Rivotril. Ne pas hésiter à administrer la seconde dose de Rivotril au bout de 10 minutes. Le recours au Dilantin devient rare. On a recours de plus en plus en relais au Keppra, ou Depakine, et à discuter le Vimpat.
2. Traitement anti-épileptique en Onco-hématologie
Les anti-épileptiques classiques interagissent souvent avec les cytochromes P450 et peuvent modifier le métabolisme hépatique des drogues utilisées en chimiothérapie. Il est préférable dans la mesure du possible d’utiliser des médicaments anti-épileptiques qui n’interfèrent pas avec les cytochromes P450 :
- Les médicaments inducteurs enzymatiques : Carbamazépine (Tégretol), Phénytoïne (Dilantan), Phénobarbital (Gardénal) -> risque d’efficacité réduite de la chimiothérapie
- Pour les prodrogues (Cyclophosphamide, Ifosfamide ou Thiotepa) dont les métabolites actifs peuvent être augmentés.
- En revanche, le Valproate (Dépakine) agit comme inhibiteur enzymatique et a été associé à l’augmentation de la toxicité des Nitrosourées et du Cisplatine.
A noter : rares syndromes de Lyell induits par l’administration d’anti-épileptiques comme la Phénytoïne ou la Carbamazépine durant la radiothérapie.
Indications :
- En post opératoire d’une tumeur cérébrale : pas d’indication systématique
- Traitement préventif avec certains médicaments (Busulfan, Xylocaïne…)
- En cas de crise convulsive : Première intention Keppra. +/- Depakine. Vimpat.
- A discuter avec un neuropédiatre : autres antiépileptiques (par palier), traitements au long cours
Les anti-épileptiques les plus fréquents :
- Benzodiazépines : Valium, Rivotril, Urbanyl et Likozam.
Et les autres (Tableau des anti-épileptiques) :
Sources : Marie Bourgeois - Neurochirurgie NEM - 10/03/2023
Marie BOURGEOIS - Christelle DUFOUR - GUSTAVE ROUSSY - Mise à jour en avril 2023